Bucolic Landscapes

Exposition Paysages Bucoliques presentée à Dublin Institut Cervantès, mai juin 2011

dimanche 30 novembre 2008

'Paysages Bucoliques' est ma dernière série de tableaux.

Exposition à l'espace Culturel La pléiade, Commentry France. Du 2 au 30 novembre 2008.


Exposition à Paris
Galerie Oberkamf , 103 rue Saint Maur, métro Parmentier.
du 7 au 14 decembre 2008, vernissage le mardi 9 décembre de 18 à 22h.


Vanités

Sans gravité

« La société s’emploie à assagir la Photographie, à tempérer la folie qui menace sans cesse d’exploser au visage de qui la regarde. Pour cela, elle a sa disposition deux moyens.

Le premier consiste à faire de la Photographie un art, car aucun art n’est fou. D’où l’insistance du photographe à rivaliser avec l’artiste, en se soumettant à la rhétorique du tableau et à son mode sublimé d’exposition…. …L’autre moyen d’assagir la Photographie, c’est de la généraliser, de la grégariser, de la banaliser, au point qu’il n’y ait plus en face d’elle aucune autre image par rapport à laquelle elle puisse se marquer, affirmer sa spécialité, son scandale, sa folie. C’est ce qui se passe dans notre société, où la Photographie écrase de sa tyrannie les autres images : plus de gravures, plus de peinture figurative, sinon désormais par soumission fascinée (et fascinante) au modèle photographique. »

La Chambre Claire

Roland Barthes

A la fin de sa vie Francis Bacon notait combien il serait de plus en plus difficile de progresser dans la figuration picturale. En effet, que peut encore apporter d’inédit cette fabrication d’images qui ne sauraient rivaliser avec le vérisme de la photographie ? Comment le peintre pourrait-il encore espérer s’émanciper de cette tyrannie photographique ?

Carlos Araya Carlanga plutôt que de vouloir la supplanter, propose tout simplement de révéler cette tyrannie, non pas comme un effet de l’art, d’une simple duplication, mais en composant avec elle, plus exactement en la recomposant afin d’exprimer la fascination qu’exerce l’image réaliste, un peu à la façon des Vanités.

Le dispositif est simple : on n’a pas besoin de s’éloigner bien loin comme dans un tableau de Holbein, en se retournant une dernière fois pour voir l’os de seiche flotter sur le tapis se transformer par anamorphose, en tête de mort. Non, Carlos Araya Carlanga a posé sans gravité, le mort au centre de ses tableaux. Tout comme il compte le faire reposer au centre de son exposition sous la forme d’un personnage en papier mâché.

Au centre même, c'est-à-dire, là où la vision fovéale se fixe. Carlos, a, comme fait choir du ciel, un petit personnage qui à première vue semble dormir.

Mais, comme dans le poème de Rimbaud : Le Dormeur du Val, sa vision a deux trous rouges au coté droit.

Ce petit personnage curieusement cambré vient comme une distorsion spatio-temporelle, un démenti, un hiatus. Un trou.

C’est un soldat, sans doute un Irakien, mais cela pourrait tout aussi bien être un algérien jeté d’un hélicoptère, un dissident torturé abandonné là, un soldat d’infortune, trouant et démentant la convention paisible du paysage.

Carlos Araya Carlanga perfore l’image tyrannique de la réalité belliqueuse, comme autant de cibles, dont il dérange l’apparence trompeuse.

Il fait apparaître ce disparu, comme la révélation du point aveugle de notre cécité contemporaine.

Tous ces paysages - comme autant de cartes postales publicitaires invitant au voyage - sont dérangés par la présence discordante de cet élément étranger. D’autant plus, que dans cette série, Carlos Araya Carlanga rend hommage à sa manière au pop art. Celui de Warhol, dont on pourrait le rapprocher par sa désinvolture à traiter l’image. Du reste, on se tromperait à voir dans Warhol un simple thuriféraire de la société du spectacle. Avec le recul, on voit apparaître jusque dans ses dollars le filigrane grimaçant de la mort. Il est sans doute le plus grand peintre moderne des vanités en remplaçant la tête de mort par ses clichés accidentels, ses exécutions et ses marques.

Carlos ne se sert pas d’une simple image préfabriquée dont il ferait le tirage, il compose les siennes, sans doute à base de clichés photographiques. Cette démarche picturale, finalement, est proche du photo montage. La rencontre apparemment banale d’un petit personnage dans ces paysages révèle le Hiatus « réalitaire » d’un monde plébiscité par la publicité, toujours en proie à faire son propre éloge. Il démontre sa tromperie fondamentale.

Comme le dit Denis Roche dans Ecrit sur l’image. « Toute l’histoire du photomontage est l’histoire de cette tromperie : faire tenir un discours d’ensemble, un seul discours d’ensemble à des morceaux qui avaient choisi de dire différemment des choses dissemblables. »

C’est ce chemin ardu qu’a choisi Carlos Araya Carlanga pour tenter de progresser un peu plus avant dans la figuration.

Recevons comme un présent ce travail d’acuité qui travaille à nous rendre moins aveugle.

Gerald Stehr, Paris 2007.